Pour sa première apparition en Ultimate Cup European Series, Kévin Rabin a éclaboussé de son talent la séance de qualifications à Hockenheim. Sous une pluie abondante, le jeune pensionnaire du Lamo Racing s’est fait remarquer par un chrono splendide plaçant idéalement son équipe dans la course à la pole position. A 16 ans, le Suisse est un rookie dont la carrière vient à peine de commencer.
C’est ce qu’on appelle entrée par la grande porte ! Arrivé discrètement dans le paddock de l’Ultimate Cup European Series, Kévin Rabin s’est rapidement retrouvé sous le feu des projecteurs. Il faut dire que sa performance sur un tour lors de la séance qualificative en a surpris plus d’un.
Dans des conditions humides et très piégeuses, le Suisse a collé plus de deux secondes et demi à son dauphin en Q1, le futur vainqueur de la course Jonathan Thomas (CD Sport). Mais d’où vient ce jeune pilote impressionnant en Allemagne ?
Passage express en karting

Son premier contact avec le pilotage, Kévin Rabin l’a connu à 8 ans lorsque son père l’a emmené pour la première fois sur une piste de karting. « Nous avons débuté en kart biplace et j’étais en passager. Je m’ennuyais un peu donc après quatre tours, j’ai demandé à mon père de prendre le volant. Dès que je suis monté seul, tout s’est illuminé. La sensation de vitesse, la maniabilité, j’étais dans un autre monde. J’en suis sorti ravi. » Cette première expérience derrière lui, Kévin Rabin attrape le virus du sport mécanique. Une routine s’installe et il enchaîne les sessions chaque week-end. Très vite, il demande à faire de la compétition. « J’adorais déjà ce monde. Je regardais tous les Grands Prix, les émissions et je voulais à mon tour faire des courses. »
Encore trop jeune pour se placer sur une grille de départ, ses parents lui organisent une surprise le jour de ses 11 ans. « Juste avant de partir en vacances, nous sommes allés sur un circuit du pays où un vrai team m’attendait. Quand on est arrivé, il y avait un kart, une combinaison et un casque uniquement pour moi. J’ai commencé avec un limitateur puis j’ai voulu l’enlever. Quand je suis ressorti des stands, j’ai fait un tour un peu nerveux et j’ai manqué un freinage. Je suis allé taper dans le mur. Mes parents étaient paniqués mais moi je suis revenu au box comme si de rien n’était (Rires). »
Les entraînements continuent le mercredi après l’école, les week-ends puis vient le grand début en compétition. A 12 ans, il s’engage d’abord en National puis en Euro Series X30. « Ce n’était pas facile car les autres avaient beaucoup plus d’expérience. De toute façon, le but était de passer rapidement en voiture. J’ai progressé au fur et à mesure de l’année et j’ai surtout développé une certaine aisance sous la pluie. Je n’ai jamais craint ces conditions et j’ai toujours performé. » Sa performance à Hockenheim s’est donc construite dès cette époque-là.

Une année d’apprentissage dans l’ombre
Sur le papier, 2023 ressemble à une saison blanche. Pourtant, en coulisses, Kévin Rabin n’a pas chômé. Trop jeune pour débuter en voiture, celui qui fêtera ses 17 ans en octobre prochain a préparé 2024 intelligemment. « En début d’année, j’ai rencontré un ingénieur à Genève avec qui j’ai beaucoup avancé. Pendant un an, j’ai fait énormément de simulateur. Je passais 4 à 5 heures dessus, deux fois par semaine après l’école. Cela m’a permis d’acquérir des bases solides, d’apprendre les circuits, de savoir me mettre dans un rythme de course ou de tout extraire sur un tour rapide. »
En plus du virtuel, le Suisse a exploité toutes les possibilités pour rouler en réel : « j’ai fait de la Lamborghini Super Trofeo au Paul Ricard où j’ai fini la journée devant le pilote Bronze du team. Sur un petit circuit, j’ai aussi enchaîné les sessions en Formule Renault. » Toutes ces précieuses heures lui ont aussi ouvert les portes de la course de 4H d’Endurance en Mitjet au Castellet. « Cela s’est bien passé et VPS Racing a décidé de me prendre pour la saison 2024.
Je voulais vraiment profiter de cette année pour travailler sur moi, physiquement en salle, en simu et en piste sans nécessairement faire de la course. Mon objectif était de ne pas me faire connaître, d’avoir le temps d’apprendre sans les critiques, sans une attente autour de moi. C’était un travail caché pour arriver dans le milieu quand je serais complètement prêt. »
« J’ai appris le lundi que j’allais rouler à Hockenheim ! »

La venue de Kévin Rabin chez Lamo Racing pour le troisième meeting de la saison 2024 d’European Endurance Prototype Cup s’est faite sur le tard. « J’étais malade en début de semaine, j’avais une angine. Mon ingé m’a demandé si j’étais chaud de faire une course ce week-end. J’étais disponible et donc j’ai appris le lundi que j’allais rouler à Hockenheim ! » Au sein de ce nouveau team, le Suisse retrouvait son compatriote Danny Buntschu « avec qui j’avais déjà fait du karting. »
S’il découvrait l’équipe, il retrouvait la Nova NP02. En tout début de saison, ANS Motorsport lui avait permis de disputer le Prototype Winter Series, championnat qu’il remportait dans sa catégorie tout en finissant deuxième du général. « C’était parfait pour prendre de l’expérience en course, savoir gérer les départs, les dépassements avant la saison en Mitjet. J’étais vraiment content de ma perfo et d’attaque pour mon gros programme de l’année. »
Retour en Allemagne où une mauvaise surprise attendait les pilotes à l’heure des qualifications. La pluie n’avait pas cessé et les conditions s’annonçaient périlleuses. Pour y faire face, Kévin Rabin se mettait dans son « mindset pluie. Je me dis toujours que ce n’est pas cool de rouler sur piste humide comme ça je suis surpris de voir que je suis quand même rapide, c’est un peu de la mauvaise foi (Rires). Je me répète aussi que seul le point de frein change, celui d’accélération ne bouge pas. »

Un état d’esprit qui a porté ses fruits puisque la N°17 se positionnait tout en haut de la feuille des temps et largement. « Je pense avoir fait la différence dans la mise en action. A chaque fois, je sors des stands avec l’ambition d’être le plus rapide dès le premier secteur. Cela chauffe les pneus, la voiture et me met aussi dans le rythme en tant que pilote. » Pourtant sa séance aurait pu s’arrêter bien prématurément lorsqu’il partait en tête-à-queue au niveau du virage 12. « L’autre prototype de l’équipe est arrivé derrière et on s’est évités de peu, c’était chaud. »
Au terme de la Q2 et du passage de Danny Buntschu, la N°17 était officiellement en pole position des 4H d’Hockenheim. « Nous étions tous très heureux. D’un point de vue personnel, j’étais étonné car je découvrais ce tracé où je n’avais pas fait de simu depuis plusieurs mois. D’un autre côté, je savais que la voiture avait la performance pour bien figurer donc il fallait juste mettre les temps en place. »
Dimanche plus délicat

Douzième en NP02 au passage du drapeau à damiers, le Lamo Racing espérait forcément bien mieux. Au moment du bilan, Kévin Rabin met l’accent sur deux points : « la stratégie et des erreurs un peu bêtes de pilotage. Premièrement, on n’a pas eu de chance sur le côté stratégique. Vu que nous étions dans le groupe de tête en début de course, grâce au très bon relais de Fred (Morel), nous n’avons eu aucune bonne fenêtre de safety car. Plusieurs équipages derrière ont pu en profiter… Au niveau des pilotes, Fred a perdu des places dans son premier stint mais c’était logique car il était face à des Silver. Lorsque j’ai pris le volant, on a gardé de vieux pneus en espérant profiter d’un fait de course pour rentrer. Ça n’a pas été le cas et j’ai dû faire un « arrêt classique ».
Ressorti le couteau entre les dents, le Suisse voulait à tout prix récupérer son retard. En véritable pilote de sprint, il enchaînait les tours rapides sans penser à ce qui l’attendait ensuite. « J’ai détruit les pneus ce qui a rendu la fin de course de Danny (Buntschu) difficile. Ce n’était pas simple pour lui de tenir avec la voiture. Notre place finale n’est pas représentative de notre potentiel, on aurait pu finir dans le top-10, voire top-5. »
A la sortie de ce week-end, Kévin Rabin espère être de retour dans un championnat où il a pris beaucoup de plaisir. « Peut-être à Magny-Cours en fonction de mon parcours scolaire, explique celui qui va rentrer en Secondaire II, l’équivalent du lycée en France. Ce serait bien pour se faire voir, montrer aux gens qui je suis et que ce n’était pas un coup de chance. »